Vous me voyez désolée et contrite face à votre impatience manifeste suite à mon retard
. Votre serviteuse (si, si) a été un peu débordée ces temps-ci : j'ai travaillé samedi, j'ai lu et "ménagé" dimanche (genre comme mardi passé [3615 ma vie] ) et hier je suis rentrée du boulot à 22h, sans avoir soupé. Alors je veux bien beaucoup de choses, mais je ne sais pas me couper en quatre non plus. De toute façon, je ne vous avais pas oublié et je vous sers le menu du jour tout frais, tout chaud.
1. L'album
"Le taxi-brousse de Papa Diop" de Christian Epanya, 2005 (je n'ai pas trouvé de bio)
En résumé : L'histoire se passe au Sénégal, et est racontée par Sène, neveu du conducteur de Taxi-brousse. Il raconte son enfance où tous les jours se suivent et ne se ressemblent pas dans le taxi qui relie Dakar et Saint-Louis. Chaque jour sans école, Sène le passe aux côtés de son oncle, et nous raconte les tribulations de ce bus singulier qui, d'un jour à l'autre, se transforme en orchestre ambulant, en véhicule sauvé des eaux, en voiture de mariage ou en corbillard. D'autres fois, ce sont les trajets sans soucis, puis un jour, une femme accouche lors du trajet. Quand il a de la chance, Sène cotoie aussi les riches dames du village, qui sentent bon et rient fort. Ce sont toutes les couleurs du Sénégal qui transpirent à travers cet album.
Age : De 4 à 6 - 7 ans environ.
Mon avis : Je suis d'abord restée un certain temps à regarder la couverture, car les illustrations sont remarquables. Cela se confirme à chaque page, une explosion de couleurs, un foisonnement de détails, les peintures qui illustrent cet album sont le reflet très parlant d'un pays qu'on devine lui aussi haut en couleur. Le jeune Sène ouvre la porte d'un monde que les enfants occidentaux connaissent bien mal, habitués aux sièges en cuir de la voiture climatisée de Papa. Une jolie petite exploration du quotidien de milliers de personnes qui traversent l'Afrique par ce moyen tous les jours.
Une critique sévère pour terminer (on me l'a soufflée mais j'y adhère totalement) : l'histoire est narrée au passé, ce qui ne m'a pas gênée au départ, mais prend tout son sens à la dernière page. En effet, l'on apprend que le taxi-brousse, ayant fait son temps depuis longtemps, est maintenant exposé dans le musée dont Sène, aujourd'hui adulte, est le guide. Cette dernière page est non seulement inutile, mais en plus elle induit les lecteurs en erreur
. Le message véhiculé (c'est le cas de le dire) est que ce mode de transport est ancestral et inutilisé de nos jours. Or, il est certain que les taxi-brousse constituent encore aujourd'hui un moyen de déplacement fréquent dans plusieurs pays d'Afrique. Je ne comprends donc pas pourquoi l'auteur conclut l'histoire de la sorte
2. Le roman enfants
"Le minus" d'Anne-Marie Desplat-Duc, 1992
(bio)
En résumé : Eric, 10 ans, est le type même de l'enfant malingre et doux sans copains mais premier de classe. L'histoire, racontée à la première personne, nous balade à travers diverses situations qui lui sont difficiles à vivre au quotidien, mais sans trame principale. On apprend par exemple que, lui qui n'a jamais faim, a pris en horreur les repas "forcé", pour grandir comme disent les parents. Il n'est pas malheureux, mais pourrait être plus heureux.
Son caractère naïf et rêveur se dévoile aussi au fil du livre, il n'aime pas se dépécher, adore ses grands parents chez qui il passe les vacances d'été, se crée un ami imaginaire en la personne d'un vieux pommier, surnommé Tom, et dont les pommes sont bien plus savoureuses que celles qu'on lui sert en dessert.
Après l'une ou l'autre tentative manquée pour ressembler aux autres garçons, Eric se résoud à rester comme il est, avec l'espoir d'un changement futur. Et ce changement arrive : grâce à l'apparition d'Ignacio, en provenance directe du Brésil, Eric va trouver d'une part un véritable ami, d'autre part la clé pour sortir de sa réserve et s'amuser, se dépenser comme un garçon "normal". Il en arrive même à retrouver l'appétit.
Age : de 8 à 10 ans.
Mon avis : Ben, il fallait bien que ça arrive un jour, j'ai vraiment pas aimé
. Le style est plat, l'intrigue inexistante, le héros pas convaincant en anti-héros. Bref, à moins de ressembler à ce garçon et de pouvoir se reconnaître dans ce livre, je n'y trouve aucun intérêt. Cette fois, j'ai fait une mauvaise pioche !
Et je ne m'étends pas plus, car mes critiques, au départ, avaient pour but de valoriser les découvertes indéressantes à mes yeux et de vous faire partager ma passion. Alors, pour ne pas casser inutilement du sucre sur le dos de cette dame qui n'est pourtant pas à son coup d'essai (elle a plutôt bonne presse dans le milieu), je m'arrête là. Et je fais la promesse de lire (un jour) un autre de ses titres pour ne pas rester sur une impression négative
3. Le roman ados
"Vive la république" de Marie-Aude Murail, 2005
(bio) et
site perso
En résumé : Difficile de résumer un roman de cette densité. Une foule de personnages, qui ont tous leur importance, se croisent et se recroisent dans un microcosme urbain à quelques kilomètres de Paris.
Il y a d'abord et surtout Cécile qui, à 22 ans, débute dans le métier d'intitutrice. Sa première classe, elle l'attend depuis qu'elle même était à l'école primaire. Il y a son frère Gil, son directeur Georges Montoriol, ses 3 collègues, le serveur du Tchip Burger (Eloi) qui fait battre son coeur un peu trop vite. Le même Eloi fait partie du GAP (gang anti pub) avec Nathalie, qui tague les affiches publicitaires et crache sur la société de consommation.
Mais il y a aussi Eglantine, Robin, Baptiste, Philippine, Audrey, Louis, Lisa et Claire... bref 18 enfants de CP, la classe de Cécile. Parmi ces enfants, Démor et Toussaint Baoulé, récemment arrivés de Côte d'Ivoire avec leurs frères, soeurs et cousins, à la suite du saccage de leur maison et de l'assassinat de leur oncle.
Et encore Louvier, patron du Tchip Burger haï par Eloi, qui veut faire de l'école un nouveau fast-food. Si on ajoute à ça que l'école aurait dû fermer si les 12 enfants Baoulé ne l'avient pas repeuplée, que Louvier est aussi escroc que riche, qu'Eloi est le grand frère d'Eglantine (tous deux issus d'une "bonne famille" avec laquelle Eloi s'est brouillé) et que Gil tentant d'approcher Eloi afin de la présenter à sa timide soeur, se retrouve impliqué dans le GAP et dans le "no logo way"...
On comprend vite qu'on est face à un roman riche, plein, farci de rebondissements autant que de héros imparfaits et si attachants, traitant sans lourdeur, mais avec une plume acérée, du problème des réfugiés politiques en attente de papiers qui vivent dans la précarité le long des mêmes trottoirs que nous (les Baoulé squattent une gare désaffectée à 8 kilomètres de l'école). C'est un peu long comme résumé, surtout pour ne pas dire grand chose de l'histoire, mais je n'ai pas su faire mieux. Il faut dire que le bouquin est gros quand même !
Age : Dès 13 ans. Cette fois-ci encore plus que les précédentes, j'ai un mal fou à donner une limite supérieure. Certes, les adultes qui lisent habituellement Grangé ou Cohen n'y trouveront pas leur compte, mais je me suis sentie tellement bien dans ce bouquin que je n'aurais aucun scrupule à le conseiller à d'autres personnes de mon âge.
Mon avis : Entre Marie-Aude Murail et moi, ce n'est pas de l'amour, c'est de la passion (entendez au niveau littéraire, bien sûr, pour le reste, je ne l'ai jamais rencontrée mais je ne désespère pas). Le premier bouquin d'elle que j'aie ouvert (il y a 14 ans, soit quand j'avais 11 ans), s'intitulait
Baby sitter blues, avec pour héros Emilien. Depuis, je n'ai plus décroché. J'ai lu et relu toute la série des Emilien, celle de Nils Hazard, celle de Serge T., mais aussi des modèles uniques comme
D'amour et de sang,
Le changelin,
Maïté coiffure et des "enfants" comme
Bravo Tristan,
Le hollandais sans peine ou
Patte Blanche. Dans mes projets : les séries L'espionne et Golem, dont je n'ai lu aucun titre,
Simple, dont quelqu'un(e) m'a parlé récemment, et aussi le dernier Emilien, qui devrait arriver sous peu.
Mais tout ceci nous éloigne du sujet.
Ici, je n'ai aucune objectivité, j'adore, un point c'est tout, je trouve l'idée, le style, la narration...pas parfaite (personne ne l'est), mais tout simplement à ne pas rater. Ce livre, il n'est pas "impeccable", mais je n'ai RIEN à lui reprocher, même en cerchant bien ! Je comptais les Emilien,
D'amour et de sang et
Maïté coiffure dans mes préférés, mais je me demande si celui-ci n'est pas en train de les supplanter !
L'héroïne est une femme, ce dont je n'ai pas l'habitude, c'est peut-être pour ça ? Attention, il y a des gros mots ! Mais toujours à bon escient et jamais gratuitement. Les différents protagonistes bénéficient d'un portrait peint finement, développé harmonieusement, presque parcimonieusement. Ils sont tout sauf caricaturaux, et pourtant on comprend vite qui est un personnage à suivre et qui est à éviter.
En lisant ces lignes, on est dans la classe, on voit cette jeune instit' prendre soin de "ses" enfants, leur faire répéter le spectacle de Noël, raconter les histoires de Lapinou Crotte-Crotte (j'ai d'ailleurs beaucoup pensé à une certaine personne !!!). On l'imagine aussi s'échinant à apprendre aux moins dégourdis, redoutant la visite de l'inspecteur, se servant de son crayon magique, etc.
La réalité perçue des sans-papiers est crédible, pas larmoyante, recherchée, vécue presque. Le récit est d'une construction sans faille (quoique, cette fois, j'ai pu deviner l'intrigue avant qu'elle ne se déroule, mais c'est bien la première fois !). En un mot, lisez Marie-Aude Murail, ça ne peut qu'être bénéfique !
Dernière édition: 08/03/2006 @ 22:39:35