Afin de garder le personnel informatique en service au moment du passage à l'an 2000 et de l'introduction de l'euro, l’autorité fédérale a accordé, de septembre 1998 à fin 2001, des primes pour un montant de plus de 20 millions d’euros. Cette mesure n’a finalement pas atteint l’objectif visé. Non seulement les dépenses effectuées ont représenté le double du montant prévu, mais la rotation du personnel – qui était peu élevée en soi – a malgré tout augmenté. La Cour des comptes demande qu’à l’avenir, pareilles mesures soient élaborées de manière plus réfléchie et soient contrôlées et suivies de façon effective. Le ministre de la Fonction publique prévoit l’élaboration d’un arrêté royal à cet effet.
En vue de garder le personnel informatique en service pendant la période du passage à l'an 2000 et de l'introduction de l'euro, pratiquement tous les services publics fédéraux ont accordé entre septembre 1998 et décembre 2001, une allocation aux membres du personnel chargés des tâches informatiques. Le Conseil des ministres avait adopté un arrêté royal à cet effet le 6 septembre 1998. La Cour des comptes a examiné si cette mesure de politique s’est avérée efficace.
Elle a tout d’abord constaté que l’administration ne disposait pas au préalable d’une image fidèle de la situation en matière de rotation du personnel. C’est ainsi que les causes de la démission volontaire du personnel n’ayant pas été examinées, il n'a pas été possible de sélectionner des solutions appropriées pour enrayer cette rotation. En outre, dès le départ, le choix s’est porté exclusivement sur l’octroi d’une allocation, sans vérifier qu’il s’agissait bien là de la meilleure solution. La définition de la finalité et du groupe cible figurant dans l’arrêté royal ne fait aucunement le lien avec l’objectif initial, à savoir résoudre les problèmes informatiques lors du passage à l’an 2000 et de l’introduction de l’euro.
L’arrêté royal s’est avéré difficilement applicable et contrôlable. Certains articles prêtent à confusion, de sorte que l’interprétation des fonctionnaires dirigeants et/ou la réponse du ministère de la Fonction publique était déterminante en cas de doute. En outre, les modifications apportées ultérieurement à l’arrêté royal n’étaient pas toujours conformes à l’objectif initial de la mesure : tel a été le cas pour l'extension du droit à l'allocation au personnel de soutien (niveau 3) et au personnel détaché dans un cabinet ministériel.
De même, la mise en oeuvre de l’arrêté royal n’a pas toujours respecté les normes. Le groupe cible n’a pas été informé de manière suffisante et l'exécution de la mesure n'a pas fait l'objet d'un suivi par le ministère de la Fonction publique, annihilant ainsi la possibilité d'un pilotage et d'une évaluation ciblés. En outre, les allocations informatiques liquidées ont largement dépassé le budget : le Conseil des ministres avait initialement approuvé un montant de 9,4 millions d’euros seulement, alors que les dépenses ont finalement représenté plus du double (21.579.263 d’euros).
De nombreuses administrations concernées n’ont pas été en mesure de fournir à la Cour des comptes toutes les informations demandées, et des différences inexplicables sont apparues dans les montants versés. Il est dès lors permis de supposer que les conditions d'octroi de l'allocation informatique n’ont pas toujours été respectées. Il est apparu que les ayants droit à une allocation n’ont pas été déterminés minutieusement, plus particulièrement pour ce qui est des agents ne possédant pas de diplôme informatique.
En outre, l’allocation n’a pas atteint son objectif : la rotation du personnel n’a pas diminué, au contraire. Entre 1998 et 2001, la rotation est passée de 2,2 à 4,1 %. L'augmentation systématique du nombre des ayants droit à l'allocation au cours de cette période montre que peu de recrutements ont posé un problème sérieux. L’examen des données disponibles a révélé que, si l’allocation a freiné l’augmentation de la rotation du personnel, elle ne l’a pas empêchée pour autant.
La Cour des comptes insiste sur la nécessité, à l’avenir, d’élaborer de telles mesures de manière plus réfléchie et d’en améliorer le contrôle et le suivi. Il convient de réaliser préalablement une étude fiable des besoins et une estimation réaliste du coût. La réglementation doit définir avec précision les groupes cibles et fixer des modalités d’exécution et de contrôle. Lorsqu’il s’agit de mesures qui concernent la majorité du personnel de l’État, on est en droit d’espérer que leur mise en œuvre fasse l'objet d’un suivi, d’un contrôle et, si nécessaire, d’une adaptation par le service public fédéral Personnel et Organisation.
Dans sa réponse, le ministre de la Fonction publique reconnaît que la qualité des résultats d'une mesure de politique est déterminée par la qualité de la réglementation. Son administration prépare un arrêté royal en vue d’une meilleure organisation du contrôle budgétaire ainsi que du contrôle interne et administratif au sein des administrations fédérales. Un projet pilote de gestion informatisée des données personnelles pourra conduire à une amélioration du suivi et de l’évaluation de pareilles mesures.