Titre: L'iPad va-t'il changer le monde ? (05/05/2010 Par Clandestino)
Ceci n'est pas un test
Nous ne reviendrons pas sur les détails techniques de l'iPad. Tout, déjà, a été dit, redit et répété. On sait combien il pèse, combien il mesure, quel processeur l'anime, quelle est sa résolution, ses caractéristiques techniques... Un petit coup de Google et ce sont des millions de pages qui s'offrent à votre curiosité. Mais nous aimerions nous pencher un instant sur la nature même de l'objet, sur ce qu'il offre de fondamental dans sa façon d'appréhender le rapport de son utilisateur à ce super-media qu'est le web. En d'autre termes, ce que nous vous proposons n'est rien moins - une fois n'est pas coutume - qu'une réflexion sur le sujet, plutôt qu'un simple test de matériel de plus.

Apple n'a jamais rien fait comme tout le monde. Depuis sa genèse, sa vision s'est alignée, parfois au prix de douloureux sacrifices, de grands efforts et de grands risques, sur le fameux "Think Different" qui constitue son mode de pensée. Derrière l'obsession du secret, le culte quasi monomaniaque de son CEO, le goût de la déclaration acerbe ou la formidable machine marketing, force est de constater, n'en déplaise aux esprits chagrins, que les innovations que représentent la majorité de ses produits ont souvent été suivies, copiées, mais rarement égalées. iPod, iPhone, iMac... Autant de "i-machins" offerts - souvent fort cher - à l'avidité d'une communauté de fans, geeks et d'“early-adopters”, mais rapidement assimilés à des modèles universels tant leur ergonomie, leur simplicité et leur facilité d'utilisation a marqué les esprits et les mentalités. Que tous ceux qui ont un jour dû consulter la documentation de leur iPod me jettent la première pierre, mais le géant de Cupertino s'y entend comme personne pour concevoir des produits abordables (en terme d'accessibilité, s'entend), attrayants et désirables malgré des limitations parfois incompréhensibles (le copier-coller et le multitâche sur l'iPhone, par exemple). Comment, donc, prétendre une fois de plus révolutionner l'utilisation de l'outil informatique là où d'autres se sont cassés les dents, ou au mieux ont obtenu un succès de niche, confidentiel à défaut d'être d'estime ?
Ceci n'est pas un iPod
Commençons par définir ce que l'iPad n'est pas : non, ce n'est pas un gros iPod ou un gros iPhone. Il n'a d'ailleurs pas été prévu pour passer des coups de téléphone, même s'il est plus que probable de voir débarquer Skype dans un avenir proche. L'iPad n'est pas non plus un énième gadget pour adolescents attardés ou geeks richissimes ne sachant plus quoi faire de leurs économies. C'est un appareil "à part", qui redéfinit la relation que vous avez à l'information, car elle devient réellement de nature ubiquitaire. L'objet en lui-même attire, car il ramène au concept fondamental de la feuille de papier, la tablette-ardoise sur laquelle on griffonne au gré des pensées et des idées.

Disons-le tout de suite : oui, l'iPad est bluffant. Bluffant d'ingéniosité et d'intuitivité. A la question de savoir s'il pourrait répondre aux besoins d'utilisateurs n'employant un ordinateur que pour surfer, consulter leur messagerie ou chatter : oui, c'est tout à fait possible. Il est envisageable, à condition d'accepter de faire quelques concessions, d'utiliser un iPad comme ordinateur au quotidien. Le confort d'utilisation n'est pas ici en cause, car tant la taille de l'objet que l'interface de l'OS garantissent une réelle aisance, même lors de sessions prolongées. En outre, la disponibilité d'un nombre sans cesse croissant de modèles d'imprimantes WiFi ou Bluetooth supprime encore un obstacle à l'utilisation d'un appareil essentiellement nomade : plus besoin de câbles ou de station d'accueil, la dématérialisation est complète.

Outre sa versatilité - à la fois lecteur média, console de jeux, lecteur d'eBook, browser mobile, station de travail nomade, télécommande domotique, pour ne citer que quelques-unes de ses fonctionnalités - l'iPad apporte une dimension plus "humaine" à l'expérience du web. Alors qu'il n'est pas toujours pratique ou facile (pour diverses raisons) de s'installer à plusieurs devant un ordinateur, le côté ludique et naturel de la tablette instaure un climat propice au partage : côte à côte sur un divan, de part et d'autre d'une table, on se passe et s'échange l'objet comme on le ferait d'un bloc-note ou d'un livre. Il y a une réelle convivialité dans l'utilisation de l'appareil, que n'offre pas un dispositif "classique" (qu'il soit un téléphone, un ordinateur ou même un media center). La lecture de livres, d'ailleurs, profite de quelques "plus" indéniables, le moindre n'étant pas la possibilité de pouvoir embarquer avec soi plusieurs kilos d'ouvrages divers et variés. Bien sûr, on me rétorquera qu'un Kindle fait déjà la même chose. Certes, mais un Kindle n'est "qu'un" Kindle... Quand à la l'épineuse question de la disponibilité d'ouvrages dans la langue de Molière, l'offre (légale), même si elle est moins abondante qu'outre-Atlantique, est déjà suffisante pour s'occuper quelques mois (voir quelques années, si vous lisez lentement). Enfin, lire un livre sur l'iPad n'est nullement déplaisant; bien entendu, rien ne remplacera jamais un vrai livre, et la sensation du papier restera à jamais le vecteur d'une expérience extrêmement personnelle. Mais tant le design de l'appareil, sa facilité de prise en main et la sobriété efficace de son interface permettront à l'esprit d'oublier rapidement le support pour se concentrer pleinement sur le contenu.
Conclusion
On pourrait encore longtemps débattre de l'utilité réelle de l'iPad. Gadget surfait pour les uns, pétard mouillé pour d'autres, must incontournable pour les apple-fans... Une chose est certaine : il inspire. Près de 5.000 applications disponibles moins d'un mois après son lancement. Un million d'exemplaires vendus en quelques semaines - deux fois plus que l'iPhone. Les chiffres sont là, sans fard, sans artifices. Effet de mode ? Probablement pas.

L'iPad vous impressionnera et vous conquerra dès lors que vous en aurez un usage concret, tangible. En cela, on ne peut trop recommander à tous ceux désireux d'en acquérir un (par envie, effet de mode ou réel besoin) d'attendre qu'il soit disponible dans les magasins, et d'aller l'essayer, physiquement. Mais ce qui est certain, c'est qu'à l'instar de l'iPod et de l'iPhone, l'iPad marquera l'histoire de l'informatique d'une pierre blanche. Pas parce qu'il est performant, pas parce qu'il est joli, pas parce qu'il est fabriqué par Apple. Mais simplement parce qu'une fois encore, il aura permis d'enrichir un peu plus cette notion subtile qu'est notre relation à la connaissance et à l'information, et de poser quelques jalons supplémentaires vers l'idéal “village global” cher à McLuhan. Et à ce titre, il sera certainement, dans un futur plus ou moins proche, à l'origine de multiples et innombrables déclinaisons, plus ou moins réussies. La décennie qui s'achève aura vu le web se démocratiser, les réseaux sociaux tisser leurs toiles et l'informatique entrer dans un schéma de consommation masse. La prochaine décade pourrait bien être celle de la dématérialisation totale de l'information. Et nul doute que l'iPad, malgré ses défauts et ses carences, en sera l'un des principaux initiateurs.
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